Jour J-41 : la machine est en marche

Nous roulons sur l’autoroute vers la Normandie. D’ici quelques minutes, nous devrions d’ailleurs passer le pont de Tancarville, il pleut par intermittence ce matin, et quand ça tombe, ce sont des trombes. Le dernier album de Grand Corps Malade résonne dans l’habitacle du Kangoo que nous avons loué.

Le pont de Tancarville, un matin de novembre - Photo prise depuis le Kangoo par Erwan

Normalement le lundi, je suis à Paris, au bureau, au taf. C’est d’ailleurs jamais un jour folichon, pour moi, le lundi à Paris. J’aime bien retrouver les collègues, mais le voyage en TGV, le métro, les gens, j’avoue, j’en peux plus. Je pensais honnêtement que j’allais pouvoir gérer ces allers-retours, surtout après mon expérience de navetteur Bruxellois. C’est raté. Je suis usé jusqu’à la corde.

Cette semaine, ce lundi de novembre, ce n’est pas le même programme : on déménage. Enfin pas vraiment. Enfin si, un peu. Hier encore, nous accueillions nos derniers invités avant le départ. Nos deux témoins de mariage, pour être précis. Mariage qui avait eu lieu à Lille à peine trois mois après notre arrivée. Une manière de boucler la boucle.

Au moment de leur départ, la maison ressemblait encore à peu de choses près à celle dans laquelle nous avons vécu pendant quatre ans.

Ce matin, on a démonté la chambre d’amis, roulé le matelas, emballé quelques trucs fragiles et chargé l’arrière de l’utilitaire. Parce que, comme la totalité de nos meubles, notre chambre d’amis ne nous accompagnera de l’autre côté de l’Atlantique ; elle déménage dans le nouvel appartement de ma maman. Le reste des meubles, lui, va s’éparpiller chez des amis ou des inconnus. Comme l’électroménager, les outils, une grosse partie de la vaisselle. Les décos de Noël sont parties du côté de Sequedin rejoindre une association qui aide des gamins.

Rien ne se perd.

Ce que nous emmenons se limite à nos fringues, des bouquins, des souvenirs, des photos, quelques éléments de déco auxquels nous tenons, de quoi remplir quatre mètres cube de carton que des gars vont venir chercher dans trois semaines pour les mettre sur un palette, dans un conteneur, sur un bateau. J’avoue, je suis pas très à l’aise avec l’idée de participer à la grande valse des porte-conteneurs sur les océans, mais on a pas trop d’alternatives. On a bien essayé de faire du vide (et on en a fait !), mais tout ceci ne serait pas rentré dans nos valises.

Il nous reste donc environ un mois pour tout vendre, donner, ranger, nettoyer, balayer, casa toujours pimpante.

J’espère que vous avez la réf et que la chanson vient de s’installer dans votre cerveau pour le reste de la journée.

Cet aller-retour de deux jours en Normandie, sous la flotte, me fait vibrer de plein de manières différentes. D’un côté, il marque enfin la première étape concrète du chemin qui va nous amener jusqu’au 1er janvier, 10:50, heure du décollage à Charles de Gaulle. On a bien sûr mis en œuvre des tonnes de choses pour en arriver là, mais tout me paraissait virtuel jusqu’à aujourd’hui.

De l’autre, il marque aussi le début des dernières fois. La dernière fois qu’on fera cette route entre Lille et Cherbourg, la dernière fois que Cyril pestera sur le dernier tronçon de nationale qu’il trouve bien trop long, la dernière fois qu’on s’y rend en tant que résidents français.

Ça ne sera sûrement pas la dernière fois qu’on retournera à Cherbourg, mais si on peut se l’éviter, je ne dirais pas non. Je préfère mille fois voir ailleurs les amis et le bout de famille qui me restent là-bas. Ceux qui me connaissent bien savent combien j’ai peu d’atomes crochus avec ma ville natale. J’y ai vécu des moments très importants et fondateurs, certes, mais je suis plus heureux ailleurs.

Ça va être le début aussi des au revoir. Et cette partie-là du processus de notre exil vers le Canada est bien évidemment la plus dure. Je sais que certains viendront nous voir, d’autres garderont le contact par visio, email ou réseaux sociaux mais que je perdrai la majorité de vue. Pour moi qui reste un animal social, ça va être compliqué. Je prépare les Kleenex.

Le compte à rebours est lancé, inexorable. Quarante et un jours.

Je sais qu’on va se sentir et légers et lourds à la fois au moment de monter dans l’avion, que la transition va être une aventure en elle-même mais je serai serein. Enfin j’espère !

À suivre.

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