La semaine des premières fois

Vue de la rue Saint Denis, en chemin vers l’espace de coworking

Montréal, Quartier de Rosemont - La Petite Prairie

9 janvier 2024, 20h20

Le cerveau est quand même une merveille de technologie. Et je ne parle pas que du nôtre, humains, car ce que je remarque chez moi, je le vois aussi chez mon chat : notre capacité incroyable à nous adapter à tout nouvel environnement, expérience ou circonstances. Et ce, dans un temps record.

Tenez, par exemple, ce matin, mes collègues à Paris me racontaient combien ils se les caillaient à cause d’une vague de froid qui amenait les températures joyeusement vers du -2˚C. Je suis certain que je me serais aussi plaint comme eux de me les peler si je faisais encore aujourd’hui mes aller-retours sur Paris. Mes circonstances ont bien sûr changé et j’avoue avoir bien frissonné la première fois que le thermomètre a affiché un -17˚/ ressenti -24˚. Mais ça, c’était jeudi dernier. Hier soir, alors que Cyril et moi sortions de la voiture sur le parking d’un magasin d’électroménager, nous nous sommes tous les deux fait la remarque que nous ne portions ni bonnet ni gants.

– Le temps s’est adouci, non ?

– Oui, on dirait… Ah oui il fait -3˚C.

Et voilà. En quatre jours de balade dans la neige à découvrir notre nouveau quartier, à faire des courses, à mettre en place une vie quotidienne, notre corps s’est déjà adapté.

Je ne vous raconte pas cela pour nous vanter, non. Je trouve juste ce processus fascinant, en particulier pour sa rapidité. En deux coups de cuillère à pot, nos neurones nous créent de nouvelles connexions et c’est parti pour le changement !

Ce qui nous fait nous dire, mon cher et tendre et moi, que nous avons l’impression que cela fait bien plus d’une semaine que nous sommes là. La magie du temps extensible.

Pourtant, ce ne sont pas les premières fois qui manquent depuis notre arrivée il y a huit jours.

Allez, je vous en fais la liste en vrac :

- La première fois que tu croises de bon matin des gars qui pédalent sur les pistes cyclables enneigées et d’autres qui font leur footing par -10˚C

- Le premier trajet en métro de l’appartement vers le “Montréal Cowork”, le super espace de travail partagé que j’ai choisi. Trois stations sur la ligne orange, 25 minutes porte-à-porte (à comparer avec les 1h45 de métro + TGV + vélo de Roubaix à Paris).

- La première fois qu’un gars du Cowork te dit “Bon matin, Erwan !” alors que tu ne l’as rencontré qu’une fois, il y a quatre jours.

- La première fois qu’on te tutoie dans un magasin.

- Les premières courses au supermarché du coin où les produits ressemblent mais pas vraiment à ceux que tu achetais avant.

- La première fois que tu ramènes lesdites courses sous la neige jusqu’à chez toi et que tu dépasses une mamie qui tire les siennes sur une luge de gamin.

- La première fois que tu entends le bruit de tes pas qui font crisser la neige, qu’il fait nuit, et que tu vois les maisons illuminées autour de toi et les intérieurs des gens dans ta nouvelle rue.

- La première fois que tu te tiens trop près du bord du trottoir en attendant que le feu passe au vert pour les piétons et qu’un SUV 4x4 t’éclabousse de slosh en passant.

- La première fois que tu commandes un sandwich à emporter dans une boutique et que le système de caisse “t’invite” à laisser un pourboire et que tu sens le regard du caissier et du client derrière toi.

- La première fois que tu commandes un café moyen et que tu te retrouves avec un gobelet d’un demi-litre qui te crame les doigts et que tu vas mettre deux heures à boire.

- Pour rester sur le sujet des quantités, la première fois que tu achètes de la lessive en bouteille de 4 litres, le papier toilettes par paquet de 64, les pâtes par 5kg…

- La première fois que, lors d’une démarche administrative (genre faire immatriculer ta nouvelle voiture), ou commerciale (genre faire installer internet chez toi), ton interlocutrice prend bien, vraiment bien son temps (le parisien en toi commence alors à s’impatienter), mais qu’elle finit par non seulement répondre à ta demande, alors que ce n’était pas initialement gagné, mais qu’en plus, elle te fait économiser de l’argent, tout ceci avec un grand sourire. Là, le parisien en toi a bien la honte.

- La première fois que tu fais 500 bornes de nuit, sous la neige, par -17˚C, et que tu te dis que ce n’était peut-être pas une si bonne idée que ça.

- La première fois que tu t’arrêtes sur l’autoroute, que tu comprends qu’il n’y a pas d’aire de repos et que si tu veux manger un bout, va falloir attendre de passer une ville.

- La première fois qu’une personne derrière un comptoir Subway te pose une question et que tu es obligé de la faire répéter trois fois parce que tu n’as pas la moindre idée de ce qu’elle te demande et que tu te sens un peu plus idiot à chaque fois qu’elle te repose sa question.

- La première fois que tu te réveilles dans ta chambre en pleine nuit et qu’il a tellement neigé que la rue semble éclairée. La première fois que tu te rendors en regardant tomber cette fameuse neige.

- La première fois que tu dois pelleter pour retirer cette foutue neige autour de ta voiture pour pouvoir juste quitter ta place de parking et que tu casses ta pelle que tu as acheté la veille au rabais chez Dollarama.

- La première fois qu’on t’annonce une tempête de neige et que les bureaux se vident plus tôt que d’habitude.

- La première fois que tu rentres face au vent et que tu te dis que tu aurais du être un peu plus malin ce matin et ne pas oublier ton bonnet et tes gants.

- La première fois que tu écris pour ton blog, le soir, sur ta nouvelle table à manger (parce que tu n’as pas encore installé de vrai bureau) et que ton mari te crochète un plaid alors que la tempête de neige fait rage derrière les vitres.

La vue depuis notre terrasse en cette soirée de tempête de neige.

Je voulais les lister, toutes ces premières fois, car je sens qu’avec l’habitudes, ces petits moments risquent de ne plus m’émerveiller…

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