C’est dingue. Je me souviens de tout comme si c’était hier.

La tête qui me tournait après cette interview, ton odeur que je découvrais pour la première fois, ton souffle sur mon cou, le contact froid du câble du micro contre ma peau et celui presque brûlant de tes doigts. Ton sourire de travers. Et ce regard !

Combien de fois je m’y suis plongé, dans ce regard.

Je repense souvent à ce premier jour, surtout maintenant. Parfois, j’oublie ce que tu m’as appris. J’oublie que notre histoire a commencé par un « oui » que j’ai osé. Qu’elle a commencé parce que j’ai accepté d’être à nouveau vulnérable. Parce que j’ai pris le risque de faire confiance à un total inconnu. Parce que mes tripes m’ont dit de prendre ce risque, même si je n’ai toujours pas compris pourquoi toi, tu avais eu envie de le prendre en t’intéressant à moi.

Le souvenir de notre rencontre me hante depuis des semaines. Je sais que tout s’est joué à cet instant-là. Certains jours, je me demande à quoi ma vie aurait ressemblé si je ne t’avais pas suivi au restaurant, ce jour-là. Si j’étais allé, comme mes élèves, à cette rencontre organisée avec des psys. J’aurais peut-être exorcisé ce moment penché sur le corps de Sofiane et je pourrais regarder mes mains sans parfois y voir encore du sang.

Si j’avais choisi de ne pas te suivre, je n’aurais pas passé quatre heures assis à table, face à toi, à me perdre dans ce moment suspendu, à sentir au creux du ventre naître un manque que je m’étais pourtant juré de ne plus jamais ressentir.

J’ai beau me rejouer la scène, chercher d’autres chemins, imaginer d’autres possibles, mon cœur résiste encore et toujours : j’étais destiné à tomber pour toi. Dès les premiers regards, les premiers sourires, les premiers effleurements, j’ai perdu le contrôle et j’ai plongé vers l’inconnu. Moi, le control-freak.

Je ne peux pas regretter quoi que ce soit.